Dans les coulisses du refit des navires de croisière


Maintenir un navire de croisière en parfait état de fonctionnement, toujours à jour avec les dernières innovations technologiques et doté d’attractions modernes pour les passagers dans les espaces publics, n’est pas une mince affaire. C’est pourquoi des opérations de refit sont régulièrement effectuées, généralement lorsque les unités sont mises en cale sèche. Mais ce n’est pas toujours le cas : en cas de besoin, certains travaux peuvent également être réalisés alors que le navire est à quai, toujours à flot.

Les réglementations internationales exigent qu’un navire soit mis en cale sèche pour maintenance ordinaire au moins une fois tous les cinq ans. Cette opération permet de renouveler tous les certificats de classe. Lors d’un carénage standard, la coque est repeinte avec une peinture antifouling, les moquettes et les fauteuils usés sont remplacés à bord et des travaux d’entretien ordinaire sont réalisés sur tous les systèmes. Une telle intervention peut nécessiter un arrêt du navire de dix à quinze jours.

Cependant, la durée de vie opérationnelle d’un navire de croisière peut atteindre quarante ans : vingt à vingt-cinq ans avec l’armateur d’origine, puis dix à quinze années avec des compagnies opérant des unités achetées sur le marché de l’occasion. Ainsi, au cours de sa vie opérationnelle, un navire ne peut se contenter de simples carénages ordinaires : des interventions extraordinaires sont nécessaires pour le maintenir conforme aux normes techniques, réglementaires et hôtelières.

Voyons donc quelques-uns des travaux réalisés sur nos chers navires de croisière lorsqu’ils sont loin de nos yeux.

Tous les systèmes nécessaires au fonctionnement se trouvent généralement sous la ligne de flottaison. En cas de défaillance de l’un d’eux, il est donc obligatoire de mettre le navire à sec afin de réparer ou remplacer le système défectueux. En cale sèche, on peut ainsi réparer ou remplacer les hélices, les propulseurs d’étrave, les azipods, les stabilisateurs, et même les moteurs principaux. Comment cela se passe-t-il ? Il s’agit d’une opération très complexe nécessitant une ouverture chirurgicale de la coque, permettant d’extraire le moteur après avoir retiré tous les câbles et conduites gênants. Une fois l’ancien moteur sorti (il peut être hissé à l’aide de palans situés dans la salle des machines), le nouveau est inséré. Ensuite, tous les raccordements des systèmes sont réinstallés et la coque est refermée. Une telle opération a récemment été effectuée par Damen, dans sa cale sèche de Rotterdam, sur l’un des quatre moteurs de la Regal Princess de Princess Cruises.

Une autre opération courante lors des carénages est le retrofitting, qui consiste à installer ou mettre à jour des systèmes à bord pour maintenir le navire à la pointe, tant en matière de réglementation que d’impact environnemental. Parmi ces exemples, l’installation de scrubbers, qui permettent de réduire les polluants émis par les cheminées, ou l’adaptation du navire à l’utilisation du cold ironing (raccordement à l’alimentation électrique du port pour éteindre les moteurs, réduisant ainsi la pollution).

Concernant l’ajout de scrubbers, presque toutes les compagnies ont investi dans ces systèmes au cours des quinze dernières années. Par exemple, Costa Croisières ou MSC Croisières, pour ne citer que des compagnies italiennes. D’autres compagnies, comme Norwegian Cruise Line, ont profité de l’arrêt mondial des flottes passagers au début de la pandémie pour installer les scrubbers sur le Norwegian Breakaway et le Norwegian Getaway (la différence avant/après est très visible : les cheminées sont désormais bien plus massives). Royal Caribbean International, quant à elle, a choisi il y a dix ans de ne pas interrompre l’activité de ses navires et a installé les scrubbers sur la Freedom of the Seas pendant qu’elle naviguait. Pendant plusieurs mois, des ouvriers ont travaillé discrètement, en tentant de ne pas déranger les passagers, qui, espérons-le, ne se sont aperçus de rien, si ce n’est de l’évolution de la cheminée, devenue plus imposante.

En ce qui concerne le retrofitting destiné à permettre l’usage du cold ironing, on peut citer l’exemple de la Renaissance de CFC, qui a été arrêtée deux mois au début de cette année pour, entre autres, cette adaptation.

Mais les interventions les plus coûteuses et médiatisées sont celles de modernisation des espaces publics, visant à rendre les navires plus anciens comparables aux nouvelles constructions de toutes les compagnies. Il s’agit d’opérations très complexes, impliquant parfois la démolition partielle ou totale des espaces hôteliers, comme ce fut le cas en 2013 lors du refit de la Carnival Destiny par Fincantieri à Trieste. Les travaux furent si invasifs que presque rien ne subsista des intérieurs conçus par Joe Farcus : à la fin de l’intervention, le navire changea même de nom pour devenir Carnival Sunshine, rompant ainsi symboliquement avec le passé (malheureusement).

Dans ces cas, l’objectif de tous les armateurs est d’augmenter le nombre de cabines, afin de rendre un navire plus ancien plus rentable. La liste des compagnies ayant effectué ce type de travaux est presque interminable. Mais si ces opérations profitent aux finances des marques, elles nuisent en revanche à la qualité de vie à bord, souvent compromise. Un exemple : sur le Norwegian Star et le Norwegian Dawn, le magnifique salon panoramique à l’avant a été supprimé au profit d’une multitude de cabines.

Le groupe Royal Caribbean a énormément investi dans la modernisation de ses navires les plus anciens. Avec sa marque Royal Caribbean International, il a lancé un programme de plusieurs millions de dollars d’« amplification » de la flotte, qui a touché tous les anciens navires, y compris les deux premières unités de la classe Oasis. De son côté, Celebrity Cruises, après avoir lancé la classe Solstice, a « solsticisé » les navires de la classe Millennium. Aujourd’hui, la compagnie vient d’annoncer qu’elle effectuera la même opération sur les navires de la classe Solstice (qui ont désormais plus de 15 ans), afin de les aligner sur les nouvelles unités de la classe Edge.

Mais l’opération la plus spectaculaire et complexe que l’on puisse voir dans une cale sèche est l’allongement d’un navire de croisière. Et dans ce domaine, les Italiens excellent, avec les équipes de Fincantieri à Palerme, qui ont réalisé à plusieurs reprises ce type d’intervention nécessitant une précision millimétrique. Comment ne pas se souvenir du programme Rinascimento, qui a vu les quatre navires de la classe Lirica de MSC Croisières allongés dans la grande cale sèche de Palerme, suivis ensuite par la Silver Spirit de Silversea Cruises.

Les images venues de Palerme sont absolument les plus spectaculaires de ce secteur : tout d’abord, la nouvelle section du navire est construite sur la cale ; ensuite, une fois les navires mis à sec, ils sont littéralement coupés en deux, puis l’une des parties est déplacée sur des chariots pour créer un espace. La nouvelle section est ensuite tournée et insérée entre les deux moitiés, avant d’être soudée et connectée aux différents systèmes (tuyaux, conduits, câbles, etc.). La dernière phase est dédiée à l’aménagement hôtelier : combien de temps cela prend-il ? Environ trois mois d’immobilisation, sans compter la construction de la nouvelle section.

Les cales sèches dans le monde sont nombreuses : seules quelques-unes disposent des dimensions nécessaires pour accueillir les plus grands navires de croisière, et encore moins possèdent le savoir-faire requis pour intervenir sur des unités passagers. Ainsi, ces activités se concentrent principalement en Europe du Sud. Marseille, Cadix, Palerme et Trieste, pour ne citer que les plus grandes. Le plus grand marché de croisière au monde, les Caraïbes, ne dispose pas encore d’infrastructures de ce type. À ce jour, les navires doivent traverser l’Atlantique pour effectuer leurs entretiens ordinaires ou extraordinaires. Mais cela changera bientôt : le Grand Bahama Shipyard est en train de se doter de deux cales sèches flottantes de grande taille. En effet, les cales peuvent être maçonnées ou flottantes, la seconde option permettant de « soulever » littéralement le navire une fois entré dans leur périmètre. Cependant, cette solution pose des difficultés en ce qui concerne les engins de levage nécessaires pour opérer à grande hauteur, notamment lorsqu’il faut installer de nouvelles sections préfabriquées sur les navires.

Ceci n’était qu’un petit aperçu du monde des réparations de navires de croisière, une industrie qui génère des milliers d’emplois et stimule l’économie bleue dans les régions où se trouvent ces installations.

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Matteo Martinuzzi

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